L’économie Martiniquaise ou le syndrome de la grenouille

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Avec l’état des indices calculés par l’IEDOM, l’économie martiniquaise, comme dans les autres Départements ou Collectivités d’Outre-Mer, ne peut constater sa performance économique qu’avec un décalage de deux à trois ans.

Aujourd’hui, le dernier rapport disponible de l’IEDOM date de 2008 et nous n’y apprenons l’état de santé de l’économie régionale avec précision que pour 2004, le Produit Intérieur Brut pour les années 2005 et 2006 n’étant connu que par estimation du CEROM. A l’échelle d’un pays, il faudrait ainsi imaginer que la France ou les Etats-Unis, selon le même régime statistique connu en Martinique, ne constateraient leur croissance ou leur récession qu’avec deux ans de retard. Naturellement, à l’échelle d’un pays, les indicateurs économiques sont suivis trimestre après trimestre pour permettre à la puissance publique de réagir avant qu’il ne soit trop tard. Comment dans ces conditions, peut-on concevoir en Martinique et dans les autres DOMs une politique économique à l’initiative des pouvoirs locaux et nationaux tout à la fois réactive et à la hauteur des enjeux ?

Ce décalage entre la réalité de notre économie et la mesure de sa performance ne peuvent conduire à créer le sentiment d’urgence, en cas de crise, pour trouver les contre-mesures nécessaires. C’est bien ce que nous vivons aujourd’hui en Martinique, où aucun expert, aucun économiste reconnu, aucun homme politique national ou régional, aucun représentant de l’Etat, aucun Ministre, ne pointe du doigt une situation économique dont les effets dévastateurs ne sont amortis que par le filet de sécurité économique et social tendu par la solidarité nationale avec l’ensemble de ses départements, y compris les départements d’Outre-Mer. Notons bien la différence : ce filet de sécurité économique et social ne s’étend bien qu’aux Départements, d’hexagone ou d’Outre-Mer, et non aux collectivités d’Outre-Mer. Il n’est qu’à s’intéresser aux appels désespérés des députés des COM à l’Assemblée Nationale, comme Tahiti ou Saint-Martin par exemple, pour s’en convaincre.

La commission du MEDEF Martinique est ainsi en mesure d’affirmer que l’économie Martiniquaise est vraisemblablement en train de vivre une récession dépressionnaire de son économie privée . Cette récession touche la sphère de l’économie privée, c’est-à-dire la part de la production régionale créée par l’entreprise privée. Il ne s’agit pas pour nous d’opposer l’économie privée et l’économie publique. Nous savons que le filet de sécurité économique et social tendu par le long processus de départementalisation, puis de décentralisation, puis enfin de politique régionale européenne a été à l’origine de 60 glorieuses pour la Martinique, à côté desquelles les 30 glorieuses connues par l’hexagone entre 1946 et 1973, font pâle figure.


Cyril Comte
Ancien Président de la Commission Economique du MEDEF Martinique