Le Medef en Haïti : acteur du retour des entreprises françaises

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À l’initiative du Medef, une importante délégation de chefs d’entreprises vient d’effectuer une mission de cinq jours à Port-au-Prince.

Haïti : le retour des entreprises françaises

Bien décidés à ne pas commettre les erreurs du passé, les entrepreneurs français entendent participer à la reconstruction d’Haïti.
À l’initiative du Medef, une importante délégation de chefs d’entreprises vient d’effectuer une mission de cinq jours à Port-au-Prince.

Toutes les conditions sont réunies aujourd’hui pour que vous puissiez faire des affaires. Alors il faut oser. On sort d’une période de chaos, il y a un cap politique à passer avec les élections, la criminalité recule et pour la reconstruction il y a un engagement sur dix ans des bailleurs de fonds. On est là pour vous aider". C’est un ambassadeur de France très offensif face à la délégation de chefs d’entreprises français venus en mission en Haïti. Bien décidé à convaincre ces hommes d’affaire, Didier Le Bret n’a pas ménagé son emploi de temps pour être présent et convaincant.

Il est vrai que face aux Etats Unis, au Venezuela, à la Corée et autres pays, il aurait aimé que la France prenne une part active à la reconstruction d’Haïti et que bien sûr les Départements français d’Amérique investissent, pas seulement culturellement, mais aussi économiquement. Mais tous les espoirs ne sont pas perdus puisqu’après la rencontre organisée le 5 mai dernier au siège du Medef à Paris sur le programme de reconstruction en Haïti, une importante délégation d’entreprises françaises achève ce jeudi 30 septembre une mission de cinq jours à Port au Prince.

Plus que de la prospection…

À sa tête Hugues-Arnaud Mayer vice-président du Medef. Ont fait le déplacement des dirigeants de groupes français représentant des secteurs d’activité variés, tels que Adhenéo pour la restauration de toiture, ADP ingénierie, AGS, Alstom Holdings pour la production d’énergie, Arcelormittal, Bretagne international, CMA-CGM, Saint-Gobain Pam, OBM Construction, Total, etc.

S’est joint une dizaine de chefs d’entreprise martiniquais des groupes Biométal, Monplaisir, SME-Suez environnement, Sotrageic, Villa Sud, Ecofip, Joseph Cottrell, Plissonneau, De Laguarigue emmenée par Cyril Comte président du Medef Martinique. La délégation a pu durant son séjour rencontrer notamment les principaux décideurs publics haïtiens en charge de la mise en œuvre des projets de reconstruction mais aussi les organisations internationales et banques de développement qui jouent un rôle central dans le financement des projets. Elle a eu des entretiens avec les représentants du secteur privé et principaux chefs d’entreprise haïtiens en vue d’éventuels partenariats. Des accords ont pu être consolidés. Elle a été reçue par Jean Max Bellerive et les plus hautes autorités économiques du pays.

Un toit et de la dignité

Le séisme du 12 janvier dernier a jeté plus d’1 million de personnes dans la rue, détruit 80 % des bâtiments publics et quelque 90 % des infrastructures scolaires. Les enjeux sont de taille à l’image de la mobilisation internationale. Les pays donateurs se sont engagés à fournir une aide massive s’élevant à près de 10 milliards de dollars, dont un peu plus de la moitié (5.3 milliards de dollars) sera décaissée dans les 18 prochains mois.

L’ambition affichée de reconstruire le pays de façon durable fait émerger des besoins et projets dans des secteurs variés tels que les infrastructures, la construction de logements, l’assistance technique et la formation, la santé et l’éducation, le renforcement du secteur agricole, le développement de pôles d’activités industrielles de transformation et de services hors de la capitale, entre autres. Les entreprises françaises veulent se positionner. Certaines le sont déjà, à l’image du Groupement d’intérêt économique Acess, qui compte à ce jour treize adhérents dont Avancis Europe, spécialisé dans les préfabriqués.

Lundi soir, l’ambassadeur de France entouré des autorités haïtiennes et des responsables de ce GIE ont posé les premières pierres du site du futur village de ce GIE qui devrait sortir de terre début 2010.

La francophonie : un outil obsolète ?

Le GIE Access s’est fixé pour mission de doter ses adhérents de capacités communes leur permettant de se positionner efficacement sur ces marchés, à un coût partagé. Basé à Strasbourg, il est toutefois ouvert aux PME d’autres régions françaises et d’autres pays. "Nous facilitons l’accès de nos membres aux marchés publics internationaux, notamment ceux liés à la gestion des crises, au maintien de la paix et au développement. Gérés par des Organisations internationales, ces programmes représentent des budgets très importants, pour un total atteignant près de 40 milliards de dollars par an" explique Julien Ayme secrétaire général d’Access.

Réunies, les sociétés qui composent ce GIE représentent un chiffre d’affaires cumulé d’environ 300 millions d’euros. Son plan d’action 2010 prévoit notamment un développement important en termes de communication, d’information, l’ouverture d’une antenne permanente à New York. La porte est ouverte aux entreprises martiniquaises ou guadeloupéennes pourraient au sein de ce GIE.

Ici, en Haïti, le Medef veut donner une image rénovée de la France. Dans toutes ses interventions, son vice-président Hugues-Arnaud Mayer a parlé beaucoup de compétitivité mais aussi d’éthique, de respect des hommes, des partenariats. Du côté haïtien, les attentes sont très fortes.

Le premier ministre Jean-Max Bellerive regrette cependant que la France n’occupe pas toute la place qu’elle devrait avoir eu égards aux liens culturels qui unissent les deux pays notamment dans le cadre de la francophonie, outil insuffisamment utilisé selon le premier ministre. Ce dernier rappelle, en outre, que la France est un gros bailleur de fonds de la reconstruction et devrait conditionner ses dons à l’attribution des marchés correspondant à des entreprises françaises comme le font la plupart des pays donateurs.

Un régime fiscal et douanier incitatif

Les dirigeants haïtiens auraient aimé avoir des partenaires les plus divers pour contrebalancer le poids des Etats-Unis, mais leur bassin naturel étant l’Amérique, difficile pour eux de se passer de l’aide américaine et d’adopter pour leurs marchés des normes européennes. Bientôt la Corée va s’installer dans le pays une usine d’industrie textile pour les plus grandes marques américaines et les Etats Unis par le biais de la loi Hope ont autorisé que les vêtements fabriqués en Haïti soient exportés chez eux sans aucune taxe…

"Avec le nouveau code d’investissement, la loi sur les zones franches, un régime fiscal et douanier intéressant, jamais les conditions n’ont été aussi favorables pour investir" a déclaré aux chefs d’entreprise, la ministre du commerce et de l’industrie Josseline Colimon-Fethière.

Les entreprises françaises ont manifesté leur souhait de s’impliquer durablement avec une expertise reconnue. La CMA-CGM envisage d’ailleurs la construction d’un port d’éclatement dans le nord d’Haïti près de Gonaïves pour faire face aux nouveaux besoins que va créer l’élargissement du canal de Panama en s’ouvrant aux super tankers.

Les chefs d’entreprises dans des secteurs les plus divers sont très intéressés pour nouer des liens et envisager des investissements, mais ceux-ci doivent "répondre véritablement aux besoins du peuple haïtien" a déclaré la ministre du commerce et de l’industrie, car ajoute-elle, "seul l’emploi va permettre à l’Haïtien de garder sa dignité et d’avoir un vrai toit". Plus qu’en humanitaire, on souhaite que la France vienne en investisseur car ici, on a besoin de tout.

Reportage Ghislaine Burac - franceantilles.fr - 29.09.2010