Retraite :« Les scénarios du COR ont dépassé toutes nos craintes »

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« Dans les documents du COR, il y a un scénario où on repousse l’âge légal de départ à la retraite à 63 ans avec une deuxième borne d’âge à 68 ans. Par ailleurs, on augmente le nombre d’annuités à 45 ans. Ce scénario calculé est calculé sur un horizon 2030. Même avec ce scénario, nous aurons encore besoin de plus de 13 milliards d’euros par an à partir de 2030 pour financer les pensions qui seront versées. C’est donc tout à fait considérable et quand on dit sans cesse dans un bel unanimisme mais dans un sacré conformisme aussi, que nous voulons préserver notre système par répartition, que nous faisons tout pour préserver notre système par répartition, est-ce qu’on comprend bien ce qu’est ce système par répartition ? Ce sont les cotisations d’aujourd’hui qui payent les pensions d’aujourd’hui. C’est cela le système par répartition. Donc en clair, même dans ce scénario, les cotisations de 2030 ne pourront pas payer les pensions de 2030. Nous ne sommes donc déjà plus dans un système par répartition. Nous sommes dans un système qui ne peut pas délivrer de pensions. Et si l’on dit qu’il faut trouver un complément, ce complément est d’une ampleur telle qu’en aucun cas on ne peut continuer à affirmer que nous sommes dans un système par répartition. Nous ne nous sommes pas prononcés hier au Conseil exécutif sur ce que serait pour nous le meilleur des scénarios. Nous le ferons dans quelques semaines. Nous estimons que c’est trop tôt, que la concertation continue, que nous avons besoin d’approfondir un certain nombre de données et de pistes de travail. La réunion que nous allons avoir avec le Eric Woerth sera tout à fait importante. Au plus tard début juin, nous nous prononcerons sur une recommandation et sur ce qui serait pour nous le scénario idéal. S’il est envisagé des compléments de financement – il est légitime de poser la question évidemment – il faut bien avoir à l’esprit, l’ampleur des ressources nouvelles à trouver. Quand est évoqué dans le document d’orientation la piste des revenus du capital ou une fiscalité spécifique sur les hauts revenus, cela est tellement flou que nous ne pouvons nous prononcer. C’est totalement flou sur l’assiette, c’est flou sur le taux et ce n’est pas du tout chiffré sur ce qu’on pourrait en retirer comme recettes complémentaires. Or c’est bien cela le sujet. Est-ce que ce qui est envisagé, permettrait de prélever chaque année en France 13 milliards d’euros ? Chaque année, c’est-à-dire que, non seulement il faut trouver une assiette qui au moins une fois permettra de trouver 13 milliards, mais également qui n’aura pas d’effets pervers tels que cette assiette au fur et à mesure qu’elle sera ponctionnée, disparaîtra. Il ne faut pas oublier cette dimension-là. Nous sommes dans un moment très sérieux. On peut féliciter le gouvernement d’avoir eu le courage de mettre cette question aussi clairement sur la table. Encore une fois, nous-mêmes qui avions conscience de la gravité de la situation, ne nous attendions pas à quelque chose d’aussi préoccupant.
Il y a toutefois quelque chose qui manque dans le document d’orientation du gouvernement. Ce sont les pistes qu’il conviendrait de travailler, de creuser sérieusement sur les retraites par capitalisation. Tout d’abord, il est évident que contrairement à ce qui se dit ici ou là, les Français sont intéressés par ce mode d’accès à des retraites. La preuve, tous ceux qui en bénéficient, y compris les fonctionnaires avec la Préfon ou bien les salariés de grands groupes qui bénéficient de retraites d’entreprise, tous considèrent qu’il y a là quelque chose d’extraordinairement efficace et rassurant. Nous devons donc aujourd’hui nous demander comment mettre en place, en plus de ce que nous pourrions garder du système par répartition, un nouveau dispositif, très incitatif voire obligatoire, de système par capitalisation. C’est probablement la seule voie, pas simplement raisonnable mais réaliste, possible. L’inquiétude que nous avons est certainement accentuée par le fait que les scénarios du COR ont été calculés avec un taux de chômage à 4,5 % à partir de 2021, or nous n’avons pas connu cela depuis le tout début des années 60. Mais surtout, les scénarios du COR ont été calculés avec un taux de gains de productivité annuels de 1,5 % par an. Il faut avoir à l’esprit que dans les meilleures années, sur la période 2000/2007, qui était plutôt une période de croissance économique convenable, nous avons pu aller jusqu’à un taux de productivité de 1,2 %. Ce taux de productivité a énormément d’incidence dans le calcul des besoins de financement. Quant à la question de la pénibilité qui est également abordée dans le document d’orientation du gouvernement, je dis et nous l’avons toujours exprimé ainsi, que nous sommes tout à fait ouverts à des mécanismes de pénibilité, à condition qu’ils soient traités de manière individuelle car une approche collective nous semble inenvisageable, susceptible de provoquer de nombreux abus et, surtout de réduire à néant, tous les efforts que nous pourrions éventuellement faire pour rééquilibrer le système en bougeant les bornes d’âge et les durées de cotisation. Mais un mécanisme individuel, oui, car il est tout à fait exact qu’il existe des situations de forte pénibilité des carrières professionnelles difficiles qu’il faut traiter au cas par cas. »