TNT : La révolution numérique sera t’elle bénéfique pour le secteur de l’audiovisuel Martiniquais ? par François BRICHANT

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Goran Patel (Directeur de la coordination Outremer à France Télévision) l’a répété lors de la présentation de la nouvelle identité graphique d’RFO Martinique (Martinique 1ère) : « nous allons vivre une révolution ». Dans un pays en quête de rebond de son activité économique, toutes les révolutions sont bonnes à prendre.

C’est tout d’abord une révolution de l’offre : Tous les Martiniquais ont le droit à un accès gratuit au bouquet de chaines élargi de la TNT. (Sous réserve d’une réception en Mpeg4).

C’est aussi par la force des choses, une révolution éditoriale pour RFO : Avec l’ouverture des flux France 2, 3, 4, et 5 sur le Bouquet TNT, notre télé pays va devoir créer elle-même sa grille des programmes. La programmation était jusqu’alors centralisée et décidée à Paris. Désormais un catalogue de programmes communs va être constitué, et chaque station pourra puiser dedans. De plus, le gouvernement a assuré une dotation budgétaire supplémentaire aux stations pour assurer leur transition vers le numérique. Cette subvention doit leur permettre de produire plus de programmes locaux en interne, mais aussi en développant des coproductions avec les acteurs locaux. Et on peux entendre le directeur des programmes de la future Martinique 1ère, Gérard Guillaume dire : « Nous allons enfin avoir la possibilité de faire une télé qui ressemble aux Martiniquais et pour les Martiniquais ».

La nouvelle organisation de nos Télés Pays va aussi déclencher une révolution Managériale : les cadres de la station de Clairière devrons diriger une télé à part entière et en assumer les succès et les échecs, auprès d’une population toujours plus exigeante en matière d’information et de divertissement. Rien ne dit aujourd’hui quels seront les outils qualitatifs et quantitatifs qui permettront de juger la performance des programmes, la notion de service public, et éventuellement de corriger le tir. Le sondage Médiamétrie restera sans doute un moyen de mesure efficace.

Même si je me réjouis que nous puissions rattraper notre décalage numérique avec l’hexagone, je reste cependant plein d’interrogations sur cette révolution annoncée avec l’enthousiasme de circonstance.
Sur la ligne éditoriale et les achats de programmes, la tache n’est pas aisée. Les moyens paraissent limités. On connaît le poids du budget fonctionnement des stations de RFO, nous sommes dans une période de restrictions et le gouvernement ferme les robinets. Les programmes locaux seront portés à 40% de la grille sur 2011 selon le directeur régional Jean-Philippe Pascal. Cette augmentation devrait pouvoir relancer l’économie de l’audiovisuel local (intermittents et sociétés de productions). Selon Gérard Guillaume, les programmes achetés par une station verront leurs droits de diffusions automatiquement portés sur l’ensemble du réseau France télévision. Qui dit droits de diffusions élargis dit augmentation du prix d’achat. Cela veut-il dire qu’enfin les montages de coproductions pourront être rendus économiquement viables ? Il me vient d’ailleurs une idée : pourquoi ne pas mettre en place des incitations fiscales pour les entreprises qui investiraient dans des coproduction locales ?

Autre point d’interrogation et source d’inquiétude : l’impact d’une exposition renforcée de la population aux publicités hexagonales sur les produits locaux. France 2 et 3 seront diffusées avec leurs écrans pub. Cela va forcement augmenter le déséquilibre des moyens de communication entre les marques locales (déjà handicapées par l’étroitesse de leur marché) et les marques nationales, bénéficiant d’une augmentation d’audience gratuite sans avoir rien demandé. Certes, l’arrêt de la publicité sur RFO n’est plus d’actualité, mais pour faire émerger une eau minérale ou un jus local face à Pampril ou Evian, il va falloir augmenter les budgets.

Enfin, en guise de conclusion, je ferai deux souhaits :

Que cette soudaine autonomie audiovisuelle ne nous fasse pas tomber dans le communautarisme et le nombrilisme. Que nous saisissions cette opportunité pour nous ouvrir aux autres pays de la Caraïbe. Il existe un marché des programmes caribéens, nous y aurons un rôle à jouer.

L’image que les médias de l’hexagone font de nous est trop souvent stéréotypée. Produisons des programmes de qualité pour inverser la tendance.

Que ce passage au numérique soit enfin l’opportunité de maintenir et développer le secteur de l’audiovisuel local.


François BRICHANT Gérant de Lagencedecom’